Rêv-Earth : Un tournage de documentaires en Amérique latine sur des initiatives écologiques
2| Mis à jour le 2 avril 2021
Aujourd’hui, on part à la rencontre d’Alexandrine Cabarbaye et de Firmin Jondot, respectivement 25 et 27 ans. L’Occitane, diplômée en marketing, se passionne pour la réalisation de courts métrages. Elle a travaillé quelques années dans des entreprises de low tech et de covoiturage. Firmin, quant à lui, est un fervent Bourguignon né dans la Nièvre. Ingénieur en mécanique, il a travaillé chez Hutchinson, une filiale de Total, et est un véritable touche à tout. Il adore jouer de la musique, faire de la photo, cuisiner, faire des treks…
Ensemble, ils ont créé le projet Rêv-Earth afin d’être plus en accord avec leur façon de vivre, leurs valeurs sociales et écologiques. Mais avoir l’empreinte environnementale la plus réduite possible ne leur suffit pas, ils ont besoin d’explorer à plus grande échelle les alternatives possibles pour construire le monde de demain.
“Sensibilisée depuis toujours aux problématiques environnementales, j’aimerais proposer à chacun des solutions qui ont collectivement du sens.” Alexandrine.
“Après quelques années dans l’industrie mécanique, j’avais besoin de donner du sens à ma vie en me rapprochant de mes valeurs écologiques et sociales.” Firmin.
Vous avez créé Rêv-Earth, qui agit pour la sauvegarde de l’environnement. Comment avez-vous eu l’idée de créer ce projet ?
Le projet de réalisation et diffusion de documentaires Rêv-Earth est né du constat général que les citoyens français sont encore peu souvent aguerris au problème du réchauffement climatique ; ses effets directs et marquants étant encore souvent loin de la France métropolitaine. En effet, bien qu’ils soient de plus en plus sensibilisés aux enjeux, les individus se sentent bien souvent désemparés face aux évènements et ne savent pas toujours comment agir à leur échelle. Ce ressenti est d’autant plus notable chez les jeunes générations qui considèrent avoir un véritable fardeau sur les épaules et se sentent pour la plupart seuls face au défi. Plusieurs professeurs dans le secondaire ou le supérieur nous ont témoigné leur difficulté à casser les idées préconçues sur l’écologie et à aborder les véritables enjeux en miroir avec les alternatives possibles. C’est pourquoi ce projet a pour but de sensibiliser, de décrire de manière positive et accessible à chacun, des actions mises en œuvre et éprouvées par des citoyens résilients face au dérèglement. Les actions écologiques présentées dans les documentaires sont mises en œuvre en Amérique Latine. En effet, c’est l’une des régions du monde qui émet le moins de gaz à effet de serre, qui possède entre 60 et 70% des espèces naturelles connues à ce jour et qui pourtant subit de manière nette et violente les effets du réchauffement climatique et de l’activité humaine.
La diffusion de ces documentaires se fait en partie en ligne (réseaux sociaux et plateformes streaming) sous format de petits reportages d’une quinzaine de minutes présentant chacun une initiative. Et ensuite, lors de projections/échanges sous forme de moyens métrages plus complets (une heure environ) qui conteront en sus les aventures des réalisateurs lors du tournage et détailleront de manière plus générale une philosophie de vie plus respectueuse de l’environnement, de la biodiversité et de l’être humain. Cette diffusion dans des établissements culturels et scolaires (de la primaire à l’université) sera organisée avec les partenaires de l’association tels que Youth for Climate, Choisis ta planète, La Fresque du Climat, Little Citizens for Climate, Together for Earth, etc.
Vous avez sorti un livre « un an pour changer nos habitudes ». Que retrouve-t-on dans ce livre ?
Ce livre est un petit guide qui propose une initiative par semaine pendant un an (soit 52 idées) pour permettre de devenir plus éco-responsable. Il est écrit pour être accessible à chacun et propose ainsi des idées allant de « connaître et respecter les logos de tri et recyclage sur les emballages » à “l’optimisation des plantations pour devenir autonome en alimentation”, en passant par des idées comme « réduire sa consommation de viande », “devenir zéro déchet », « préférer la réutilisation ou l’occasion au neuf », etc. Cet ouvrage tend à sensibiliser et présenter des pistes d’une philosophie de vie plus sobre et éco-responsable. Il n’a pas pour but de transformer les lecteurs en héros de l’écologie en suivant la même transition car pour certains, ne plus acheter de vêtements neufs peut sembler impossible alors que diminuer ses déchets peut sembler plus atteignable au début. L’idée est de proposer des alternatives en expliquant l’importance de les adopter pour que chacun puisse savoir sur quels points agir et commence à changer ses habitudes.
Dans la foulée, vous êtes partis pour un voyage d’un an à l’étranger. Est-ce que vous avez défini un itinéraire ou est-ce que vous êtes très flexible ?
L’itinéraire correspond au tournage de la série documentaire et a donc été défini en amont en accord avec les initiatives locales que nous filmons.
Néanmoins, étant donné la crise sanitaire actuelle et ses conséquences sur les restrictions d’accès des pays et sur la perte partielle d’activité des associations que nous filmons, le planning prévisionnel est régulièrement perturbé et nous devons être très flexible.
Par exemple, en ce moment avec les élections présidentielles en Équateur et les manifestations associées, il est parfois difficile pour des associations engagées également en politique de nous consacrer du temps.
De plus, nous essayons aussi de garder la possibilité de modifier au dernier moment le programme de tournage si nous découvrons sur place une initiative qui nous paraît intéressante d’être filmée.
Donc, nous avons généralement une visibilité définitive sur les deux mois suivants puis ensuite c’est un peu plus dans les grandes lignes.
Vous êtes allés en Colombie à la rencontre d’un producteur de café artisanal et bio. Qu’avez-vous retenu d’intéressant ?
Il y a de nombreux aspects intéressants dans cette démarche. Tout d’abord le fait que ce soit une ferme biologique qui travaille en permaculture. Aujourd’hui, en 2021 ça fait complètement sens. Cependant, en remettant les choses dans leur contexte c’est assez incroyable car ce projet a débuté il y a 32 ans. A cette époque on ne parlait pas encore d’agriculture biologique ni de permaculture, et ce même en occident. La Colombie est en voie de développement sur ce sujet. Le “bio” peine à s’imposer et la « révolution verte » à grand coup de pesticides est encore omniprésente ici. D’autant plus dans la région du café où la très grande majorité des fermes sont de véritables industries qui travaillent avec des coopératives internationales qui exportent principalement en occident. C’est un véritable pied de nez qui a été fait au système agricole de la région.
Ensuite, ce qui nous a le plus impressionné, c’est l’importante connaissance que les employés ont de leur terrain, de leur climat, et de la biodiversité qui les entoure. D’autant plus qu’ils la transmettent de génération en génération et qu’ils ont une grande capacité à s’adapter. C’est une entreprise moderne dans laquelle se rendent des touristes du monde entier et qui continue de travailler comme dans le temps en faisant preuve d’une grande réflexion en fonction du dérèglement climatique. Ils ont appris à réagir face aux aléas en respectant l’environnement sans utiliser de produits chimiques. Cet apprentissage a été assez long à acquérir et finalement la politique du rendement instantané qui détruit les sols a fait place à une politique de plus long terme où la qualité et la prospérité de la terre est mise en avant. De plus, c’est une entreprise familiale qui revêt un caractère social où « l’humain » est placé en première place, les employés sont heureux dans leur travail car ils y sont responsabilisés et sont libres de gérer leur travail comme ils le désirent.
Et sinon, c’est beau la Colombie ?
La Colombie a été une réelle surprise pour nous. Avant de partir beaucoup de gens nous parlaient des narcotrafiquants et de Pablo Escobar avec une certaine fascination liée à la série culte, et ce comme seule référence sur le pays. Celle-ci est devenue une réelle attraction touristique, cependant, la réalité est tout autre. Cette période sombre et sanglante où a régné la peur et la terreur, et qui sema des dizaines de milliers de morts à travers tout le pays, est encore vécue comme un réel traumatisme. La Colombie se relève de ce passé peu glorieux au grand plaisir des touristes. En effet, depuis 2017 avec le traité de paix avec les FARCS, le pays est majoritairement tranquille et paisible. Les citoyens y sont très chaleureux et ce même en dehors des sentiers battus. La richesse et la qualité de l’artisanat est époustouflante (filigrane de Mompox, sacs en cuir de Jericó, chapeaux de Córdoba y Sucre, …). Il en va de même pour la richesse culinaire, il y en a pour tous les goûts. Les paysages y sont très divers à l’image du climat. En effet, la différence de ces derniers à seulement quelques heures de distance y est impressionnante. Il est possible de vivre sous des climats tropicaux en Amazonie ou sur la côte ouest du Pacifique par exemple où la biodiversité est d’une incroyable immensité ; ou encore sous des climats arides dans les départements du Magdalena ou César où les chaleurs y sont extrêmes ; ou également sous des climats plus continentaux comme dans les régions du Santander ou du Boyacá où les paysages et la culture ont des petits airs d’Auvergne ; ou enfin sous des climats tropicaux du côté de la Sierra Nevada ou des plages paradisiaques des Caraïbes !
Ce qui nous a le plus marqué, c’est à quel point la biodiversité est omniprésente et surtout à quel point l’être humain est insignifiant et petit au milieu de cet « enfer vert ». L’environnement est rude, les arbres, les feuilles et les plantes sont gigantesques et de nombreux dangers potentiels guettent à chaque recoin. C’est à la fois terrifiant mais en même temps complètement fascinant. Lors de nos excursions dans la jungle avec des associations de protection de la biodiversité, les scientifiques qui nous accompagnaient et qui avaient pourtant l’habitude de travailler sur le terrain, nous avouaient ne pas se rendre dans la jungle sans guide car c’était trop dangereux. Sans connaissance du milieu, il est très facile de toucher une chenille extrêmement irritante, de se faire mordre par une fourmi dont la douleur est équivalente à une balle de pistolet, ou encore par un serpent corail dont la morsure entraîne la mort en quelques heures.
Comment faites-vous pour dénicher des bons plans éco-responsables dans le monde ?
La majorité des initiatives que nous allons filmer ont été trouvées en amont du tournage après de longues recherches sur internet. Ces initiatives locales s’inscrivent dans des thématiques qui nous semblaient importantes à aborder tels que : l’agroécologie, la protection de la biodiversité, l’autonomie sous toute ses formes, la sobriété, l’éducation environnementale, l’artisanat soutenable, les low-techs… Ce fut un travail vraiment très intéressant et instructif mais également assez long car beaucoup d’organisations n’ont pas de site internet ou ne sont pas sur les réseaux sociaux. De plus la visibilité en France des initiatives d’Amérique du Sud est vraiment faible, cela demande beaucoup de recherches approfondies.
Cependant, les associations étant par exemple sur Facebook ont généralement un réseau d’associations avec qui elles sont en contact ainsi, avec les suggestions il est possible d’avoir accès à un réseau plus large.
Nous avons ensuite constitué un grand carnet d’adresse pays par pays et avons contacté chacune des associations par mail ou par WhatsApp.
Quels sont les prochains reportages que vous allez réaliser ?
Nous avons déjà tourné une dizaine de reportages mais la plus grosse partie du travail se trouve dans la post-production.
Nous sommes actuellement en train de monter un reportage réalisé avec Neotropical Primate Conservation, l’association qui protège les animaux sauvages en Colombie dans le Risaralda à la Frontière avec le Choco. C’est avec elle que nous avons fait une excursion dans la jungle et avons pu observer et filmer le singe araignée noir alors qui est en danger critique d’extinction et qu’il n’avait pas été observé depuis plus d’un an. Cela a été un vrai moment d’émotion.
Par la suite, les prochains reportages se dérouleront dans d’autres départements de la Colombie (Magdalena, Santander, Boyacá), puis en Équateur (Quito, Puyo, Canoa…). Ils traiteront d’artistes militants comme Angie Vanessita, d’artisanat écologique avec la Fondation Natura, de refuge d’animaux sauvages victimes de braconnage avec le Paseo de los Monos ou encore d’autonomie sous toute ses formes avec la ferme écologique et sociale Rio Muchacho
Que peut-on vous souhaiter pour la suite de votre voyage ?
Qu’il soit peut-être aussi beau et riche que ce début de voyage, qu’il se poursuive sans accrocs majeurs comme de nouveau vols de matériels (nous nous sommes fait voler un objectif dans un bus en Équateur) et que de nombreux citoyens nous rejoignent dans notre projet en nous suivant sur les réseaux sociaux. Et bien sûr que nous soyons de plus en plus nombreux à lutter pour la justice climatique et sociale à travers des petites actions du quotidien (en devenant zéro déchets, en réalisant son propre potager biologique…) ou en agissant de manière plus générale et globale (en s’investissant dans une association à à caractère écologique, en créant par quartier par exemple des potagers partagés, de l’énergie partagée…).
.
2 commentaires
Marc FERRAND
26 avril 2021
Très belle initiative, on en a bien besoin pour sensibiliser et surtout agir pour notre bien commun et celui de nos petits enfants.
On vous souhaite bon courage et de belles rencontres pour la suite de votre beau projet.
Aucoin Nathalie
13 avril 2021
Continuez à nous faire découvrir l'inconnu. On apprend beaucoup de choses. Que de beauté. Courage pour la suite. On vous fait plein de bisous.