L’Expédition Bleue : Tour du monde scientifique et écologique à la voile
0| Mis à jour le 21 juillet 2023
Nous voilà parti de France métropolitaine depuis six mois. Six mois de navigations, de rencontres et d’explorations. Et ce n’est qu’un début ! L’objectif est d’accomplir un tour du monde scientifique et pédagogique de 2 ans et demi à la voile, sous la bannière de l’association l’Expédition Bleue.
Reprenons tout ça dans l’ordre.
L’équipage de l’Expédition Bleue
AURELIA – La capitaine
Monitrice de voilier habitable, à la recherche d’elle-même, Aurélia souhaite partager sa passion tout en sensibilisant le grand public à la protection des océans.
THIBAULT – Le scientifique
Initié par les Glénans et désireux de se frotter aux océans, Thibault souhaite conjuguer navigation et recherche participative pour contribuer, à son échelle, à la connaissance de la pollution des océans.
THEOPHILE – L’écolo
Apprenti skipper, Théophile souhaite parcourir le monde pour mieux le comprendre et mieux se connaître. C’est pour lui, un moyen permettant d’adopter une attitude plus cohérente avec son environnement afin d’apprendre à mieux le préserver.
VINCENT – Le mécano
Amateur de sports nautiques et désireux de découvrir le monde, Vincent désire montrer que dans le nautisme comme ailleurs, être écolo, c’est d’abord adapter ce que l’on a déjà avant d’acheter un nouveau produit.
ASSOCIATION L’EXPEDITION BLEUE
Tout ce petit monde, ainsi qu’une 60aine d’adhérents engagés s’est réunis en 2020, au sein de cette association pour protéger nos océans autour du monde. Comment ? A travers des ateliers de sensibilisation et des conférences ou des prélèvements et mesures scientifiques…
WIJE BLICK
Au cours de ces trois dernières années, les membres de l’association se sont acharnés à donner une seconde jeunesse à ce voilier de 14m, construit en 1986 et voué à la destruction, afin qu’il devienne le berceau de l’expédition.
Les travaux, tu finiras !
Nous avons acheté notre voilier, un Sun Kiss 45 de 1986 prénommé Wije Blick (qui veut dire « grand horizon » en hollandais) à Port Saint Louis du Rhône, dans les Bouches-du Rhône, en Janvier 2020. A cette époque, nous pensions partir début 2022 pour notre tour du monde… Ce sera avec seulement un an de retard que nous partirons ! Honnête, non ?
Les occupations ont été diverses et variées pendant ces trois années : poncer, meuler, gratter, sabler, peinturer, mastiquer, souder, stratifier, résiner, etc.. Nous avons tout refait à neuf, nous-même, de la structure du bateau aux housses des coussins. Ont été conservés seulement la coque et quelque cloisons. Finalement, c’est après tout juste 17 000 h de labeur (à 4 personnes heureusement), 46 800 montés/descentes d’échelle (l’équivalent de 109 km de dénivelé positif) et 2500 disques à poncer, 3 perceuses, 4 meuleuses et 7 ponceuses maltraités… qu’enfin le 9 novembre la grue est venu soulever le bébé. Miracle il se soulève sans se casser en deux, tout de même 14,3 tonnes à la pesée, il ne faudrait pas le prendre sur les pieds…
Flottera ? Flottera pas ?
Direction la darse de mise à l’eau, descente des sangles… là 2eme miracle, il flotte ! 3eme miracle, il ne penche ni d’un côté, ni de l’autre, on monte à bord et là 4eme miracle, pas de fuites… Mise en route du moteur, on sort de la darse et on se gare le long du quai, miraculeusement toujours, sans rien abîmer.
Nous prenons alors un bon mois pour naviguer en vue de valider le fonctionnement de l’engin qui est maintenant flottant. Cela permet de constater qu’en hiver le niveau de précision des prévisions météo en Méditerranée est aléatoire. Et cela a laissé place à quelques frayeurs. La pire de toute, notre troisième sortie, qui devait prendre 8h sous le soleil et avec une petite brise, et qui se transforma en un périple de 24h de navigation avec 80km/h de vent, 3m de houle de face et sous les orages… Mais au moins nous voilà rassurés, Wije Blick et surtout nos modifications, tiennent la marée ! Les premiers prélèvements de micro-plastiques avec le filets Manta se fonctionnent également parfaitement bien, et nous réalisons également nos premières tentatives d’écoutes de cétacés.
Nous voilà fin prêt à quitter le nid !
Le grand départ
Ce grand départ a lieu le 30 décembre… ciao la France ! Les contraintes météo nous auraient imposer un départ plus tôt, il ne va pas falloir chômer pour rejoindre les Antilles avant la saison cyclonique.
Après une navigation tranquille de 24h, 1er arrêt, tout le monde descend à… Puerto de la Selva en Espagne ! C’est ici que nous fêterons ce premier de l’an avec une saveur si particulière. Trois jours plus tard, le vent tourne dans le bon sens, on part direction les Baléares. Après 2j de nav, 2eme arrêt, personne ne descend, c’est arrêt express ! Arrivé à 4h du mat’ à Alcudia (sur l’ile de Palma), on repart dans l’aprem qui suit escortés par les dauphins, direction Ibiza. Nous utilisons une application, OBSenMER, qui permet de signaler les divers mammifères marins rencontrés sur notre passage pour participer au recensement des espèces. Et nous poursuivons également nos écoutes à l’hydrophone, qui nous permettent maintenant d’entendre nettement les sifflements et clics des dauphins rencontrés. Nous ferons escale à Santa Eulalia, un peu plus au Nord de la ville d’Ibiza connue pour ses folies nocturnes.
Quelques jours plus tard, après le passage d’un coup de vent, on s’en va direction Alicante. En arrivant de la traversée Baléares-Espagne, la météo est encore très bonne et Wije Blick gambade comme un chef ! On décide donc d’en profiter et de pousser jusqu’à Almeria au sud de l’Espagne. Ici, les fruits et légumes coulent à flot, normal l’endroit est surnommé le verger de l’Europe, c’est d’ici que viennent ces produits « made in Espana ». 40 000 hectares de culture sous serres en plastique, avec une utilisation massive d’intrants chimiques, vidant les nappes phréatiques de la région (l’eau de la ville est d’ailleurs maintenant de l’eau de mer dessalée) et employant une large main d’œuvre étrangère. Que cette façon de cultiver semble logique ou non, ils nourrissent tout de même 90 millions de personnes, essentiellement en France, Italie et Allemagne. Autre avantage du coin : juste à côté du quai, il y a un super escalier métallique qui fait un établi de chaudronnerie idéal. Impossible de rater une si belle occasion : perceuses, meuleuses et poste de soudure vont pouvoir reprendre du service, une fois le gardien du port rassuré.
On laisse passer un coup de vent avec des rafales à plus de 100km/h dans le port et on part pour la dernière étape en Méditerranée. Vous l’aurez deviné, après une nav d’environ 270 km, arrivée à Gibraltar le 24 janvier. La péninsule est anglaise, on s’en serait douté vu la météo !
Folie locale, une route traverse la piste d’aéroport (peut être que c’est l’inverse, on ne sait pas qui était là en premier). Donc sur cette route il y a des feux tricolores, on s’arrête au rouge, comme pour laisser passer les piétons. Mais là non, c’est un A320 qui déboule à 250km/h !
Ciao la Méditerranée !
On termine l’avitaillement et quelques vérifs techniques, maintenant on est fin prêt pour la prochaine nav’ qui va nous sortir de la Méditerranée et de sa météo imprévisible. On décolle donc le 31 janvier, il faut bien choisir son moment pour passer le détroit, avoir le vent et le courant dans le bon sens, et idéalement de jour pour slalomer entre les cargos. Ici, c’est 140 000 cargos qui passent chaque année ! Le jeu consiste à s’avancer en Atlantique en restant au nord du couloir où les cargos sont censés passer, puis clignotant à gauche pour couper le couloir à la perpendiculaire afin d’y rester le moins longtemps possible. C’est chose faite de nuit à grande vitesse, 7-9 nœuds au travers, même si ça secoue pas mal, on traverse le couloir fissa fissa.
Dernière difficulté locale redoutée, les orques, depuis quelques mois ces gros mammifères de 4 tonnes se sont trouvés une nouvelle passion pour les gouvernails des voiliers. A priori c’est une sorte de jeu qui consiste à foncer sur le gouvernail pour le casser… Ça présente l’avantage de voir ces bêtes de près mais ça peut aussi faire de gros dégâts. D’ailleurs, déjà 2 bateaux ont coulés suite à des rencontres de la sorte, et nous avions rencontrés à Gibraltar plusieurs voiliers qui venaient de se faire attaquer… La zone concernée s’étend du Portugal jusqu’à une centaine de km au sud de Gibraltar et sur une centaine de km de large. Il n’y aurait pas de solution miracle à part de ne pas les croiser. Finalement pas d’orques en vue, tant pis pour ObsenMER ! On navigue 7 jours direction Sud-Ouest dont 2 jours de pétole où on peut se baigner à 400km des premières côtes, le tout sans être attaché.
Après ces 1470 km de nav, 5eme arrêt tout le monde descend à… Santa Cruz de Tenerife à l’ouest des îles Canaries.
On profite de la ville qui se préparent pour le carnaval et on fait quelques randos dans des endroits qui égalent presque la beauté de l’Auvergne. On finit par monter le volcan El Teide, plus haut sommet d’Espagne à 3700m. On arrive au sommet au lever du soleil, ambiance glaciale par -7°C alors qu’il faisait 20°C quand on est parti du bateau. Équipés comme des marins et non comme des alpinistes, la descente est disons périlleuse dans la glace qui est en train de dégeler.
Cette étape sera également marquée par le début de nos ateliers pédagogique en visio, auprès de 10 classes collégiens de la région de Istres, soit environ 200 élèves. Nous dispenserons en deux mois 3h de sensibilisation à la pollution des océans par les plastiques à chacune de ces classes. C’est un vrai moment de plaisir et d’échanges autour de la navigation, du bateau, de la biodiversité marine, et de cette pollution.
Après un crochet par l’île voisine de la Gomera, qui vaut franchement le détour, nouveau départ le 20 février pour une navigation assez longue. L’avitaillement est fait, le jambon et le régime de bananes sont pendus à l’arrière du bateau, on tire plein sud où on commence à trouver les Alizées (vent très stable qui souffle à travers tout l’Atlantique plus ou moins d’octobre à avril).
Une quinzaine de kilos de thons rouges pêchés, 9 jours et 1760km plus loin, 6eme arrêt tout le monde descend à…. Mindelo au Cap-Vert ! L’endroit porte assez mal son nom, puisque les paysages sont marqués par le manque d’eau. Programme assez similaire à celui des Canaries avec de la plongée et du kitesurf en plus.
Certes l’endroit manque d’eau, mais il croule sous les déchets ! Les littoraux orientés Nord de ces îles sont victimes du courant Canaries, ou plutôt dés déchets des activités humaines déposés par ce courant. Cette pollution massive, venant des quatre coins du globe, a notamment un impact sur la reproduction des tortues caouannes, espèce protégée, qui viennent pondre sur ces littoraux. Nous rencontrons une association locale, Biosfera, qui nous en apprend plus sur cette problématique et sur les difficultés qu’elle rencontre dans son combat.
On risque de tomber en allant de l’autre côté ?
Entre 2 activités à terre, on continue nos petites améliorations techniques. On fait aussi une grosse révision, mieux vaut être sûr du matos pour la prochaine nav. Quelques petits réglages et ajustements mais toujours rien de grave, Wije Blick est en forme. Vient ensuite l’avitaillement. Là c’est la folie de grandeur, 800L d’eau (pour seulement 50 bières), 15kg de farine, 25kg de patates, 200 bananes, 300 œufs, etc… 30 jours de vivres. Après plusieurs allers-retours en annexe, tout est dans le bateau, il y en a de partout, ça nous prend 1 journée pour tout caser à l’intérieur.
On est le 16 mars, ça sent le départ, on lève l’ancre en fin d’après-midi. On se fait bien remuer dans l’effet venturi entre Mindelo et Santo Antao (accélération locale du vent due aux reliefs), on se croirait en Méditerranée : houle bien courte et rafales à 70km/h. En début de soirée, on sort de la machine à laver et le lendemain on grimpe sur le tapis roulant des Alizées. C’est pas compliqué, c’est tout droit, plein Ouest. Après une semaine de nav, le compteur affiche 1700km parcouru, on est en plein milieu du milieu. Nous avons un beau sentiment de solitude, autour, il n’y a rien, que de l’eau et des poissons volants qui s’échouent régulièrement sur le pont.
Il y a aussi des sargasses, beaucoup de sargasses, ces algues qui colonisent l’océan et empêchent de pêcher en se mettant dans les leurres, on a juste réussi à prendre une petite dorade coryphène… Devenus impossible également, les prélèvements de microplastiques. Le filet Manta finit indéniablement remplit de ces sargasses…
La météo est stable, 30-35 km/h de Nord-Est, même si a priori en temps normal c’est un peu plus fort, on aurait peut-être réussi à aller un peu plus vite mais on ne se plaint pas, on en profite pour jouer avec le spi la journée. Après 2 semaines, le compteur affiche 3350km, l’eau est à 27°C et les sargasses sont toujours là…
Le 2 avril au lever du Soleil, il y a comme une odeur de rhum et on n’est toujours pas tombé au bout de la Terre plate. Est-ce que ce serai pas les Antilles qui pointent le bout de leur nez ?
Voilà, on vient de traverser l’Atlantique, le compteur affiche maintenant 4075 km après 17 jours sans toucher terre quand on jette l’ancre devant Bridgetown à la Barbade, l’île la plus à l’est des Antilles. Même si les conditions météo étaient relativement tranquilles Wije Blick a bien mérité une petite sieste au soleil après s’être amusé à faire des surfs à plus de 10 nœuds dans la grosse houle des derniers jours.
On avait dit qu’il n’allait pas falloir chômer, c’est chose faite, en 3 mois on vient de faire 10 000 km en passant 46 jours en mer.
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