La côte Caraïbe de Colombie : l’art du lâcher prise
0| Publié le 5 novembre 2021
Article rédigé par Jennifer, fondatrice de Voyage Inside. A suivre sur Facebook et Instagram.
Eté 2021, cela fait plus d’un an que le monde est plongé dans le tumulte par la pandémie de COVID-19 et l’ambiance est pesante en région parisienne. Je ressens un irrépressible besoin de prendre l’air, aussi loin que possible de la ville et du rabâchage anxiogène et sans fin des médias. Professeure de yoga, je décide de faire d’une pierre deux coups et de m’offrir des « vacances-formation » (ce que j’adore faire car cela donne un sens à mes congés et ne laisse aucune place à l’ennui). Il me faut du soleil et de la bonne humeur alors mon choix se porte sur une formation avancée de professeur de yoga sur la côte Caraïbe en… Coloooombia ! Un mois à pratiquer le yoga de façon intensive et sous toutes ses formes, dans un cadre idyllique au bord d’une eau toujours chaude, suivi de quinze jours de vadrouille dans le pays… Le rêve absolu pour moi.
Mais entre le rêve et la réalité il y a souvent un décalage. Et c’est tant mieux car c’est dans ce décalage que tout voyage devient une aventure ! J’avais fantasmé un mois et demi sans prise de tête, à profiter pleinement du climat tropical et de la formation ; mais la Colombie avait d’autres plans pour moi.
Tout d’abord, c’était naïf de ma part de croire qu’il me suffirait de sauter dans un avion pour me débarrasser de l’anxiété parisienne qui m’étouffait ces derniers mois. A mon arrivée à Santa Marta, je me sens agressée par le bruit, le monde, les moustiques, les vendeurs ambulants, les commentaires des Colombiens qui ne se gênent jamais pour vous déshabiller du regard dans la rue… Je ne parviens pas à passer outre tout cela alors que j’ai l’habitude de voyager et ai vécu dix-huit mois en Amérique du Sud alors ce ne sont pas vraiment des surprises pour moi.
Je quitte aussi vite que je le peux cette ville pour rejoindre Palomino, un petit village de la côte où a lieu la formation. Ouf ! L’ambiance y est nettement plus détendue, je respire déjà mieux. Mais n’allez pas imaginer le petit village de campagne paisible où les seules choses que l’on entend ce sont le clocher de l’église et les pets des vaches. Non, ici la Colombie bat son plein : la musique est présente partout et tout le temps. La plus douce à mes oreilles a probablement été la salsa qu’écoutaient à fond les ouvriers travaillant sur le chantier à côté de ma première auberge de jeunesse dès 4 heures du matin (ils commencent très tôt pour éviter les heures chaudes de la journée). J’essaie de toutes mes forces de ressentir de la compassion à leur égard mais la fatigue du décalage horaire semble avoir épuiser toute once d’empathie en moi. Je me console en échafaudant des plans de destruction massive de leur ouvrage. Une vraie parisienne vous dis-je. Impossible d’arrêter la petite voix critique dans ma tête : « j’adore la salsa mais vraiment ils ne respectent pas le sommeil des autres… blablabla… Et les rues sont sales en plus… blablaba… La plage n’est même pas si belle que ça… blablabla… La nourriture est trop salée… blablabla ». Je me fatigue toute seule à souhaiter que tout soit différent, davantage conforme à mes attentes.
Heureusement, petit à petit, Palomino opère sa magie : est-ce grâce au sourire patient et accueillant des Colombiens ? Aux étoiles qui brillent de mille feux chaque nuit ? A l’éternelle musique des vagues ? Au concerto des grenouilles chaque soir ? Aux mangues et noix de coco savoureuses qui tombent littéralement du ciel partout dans le village (attention la tête !) ? Je ne saurais le dire. Mais le résultat est là : au bout de quelques jours, je sens ma pression interne descendre doucement, mon pas ralentir et mes épaules et mon visage se détendre. C’est comme si j’ouvrais les yeux sur un autre Palomino. Une fois débarrassée du stress qui m’aveuglait, je commence à percevoir tous les trésors offerts par ce village niché dans un écrin vert entre la mer des Caraïbes et la Sierra Nevada dont l’on peut apercevoir les majestueux sommets enneigés lorsque l’on nage un peu au large.
Je démarre ainsi ma formation dans de meilleures dispositions, d’autant plus que nous sommes logés dans un écolodge absolument sublime avec vue sur la mer et oreilles au repos.
Happy end, Fin de l’histoire ? Et non ! La formation aussi a challengé mes capacités de lâcher prise (c’est un peu le but du yoga me direz-vous). Premier défi : la moitié des participants attrape la COVID dès la seconde semaine. Moi qui espérais pouvoir oublier un peu le virus, c’est râpé ! On est obligés d’adapter les cours, de garder nos distances, et des discussions salées ont lieu avec l’organisatrice trop négligente. Il faut accepter que les tests soient payants (on négocie le prix comme celui des bananes au marché) et réalisés directement sur la plage par un docteur qui brille par sa nonchalance même quand on lui explique qu’une des malades est à risque.
Mais finalement toute cette situation est tellement grotesque que l’on finit par en rire. Lorsqu’on ne peut pas lutter, mieux vaut prendre les choses avec humour, ça les rend toujours plus faciles. Les Colombiens sont une vraie source d’inspiration pour cela : malgré toutes les difficultés auxquelles fait face leur pays, ils gardent une décontraction et un sourire qui feraient pâlir d’envie plus d’un yogi expérimenté !
Alors je suis leur exemple et me laisse porter : le programme de la formation n’est pas aussi approfondi que ce que j’espérais ? Ce n’est pas grave, j’apprends autre chose, ce que je ne savais pas être venue chercher. La saison des pluies commence avec un mois d’avance ? Et alors ? Il fait si bon que je peux me balader toute la journée en maillot de bain et la splendeur de la mer comme celle de la jungle est vivifiée par ce ciel qui se déverse sur elles. La plage de Palomino est en train de disparaître du fait de l’avancée des eaux ? C’est triste mais il y a aussi une certaine beauté à assister à la chute des palmiers, à leur enterrement sous le sable, sans cesse brassé par des vagues dont la puissance ravive l’humilité et le respect face aux lois de la nature.
Je n’ai pas réellement envie de faire du tourisme à la fin de ma formation ? Tant pis, je découvrirai le pays une autre fois, je peux simplement m’autoriser à ne rien faire d’autre que découvrir les plages environnantes, papoter tranquillement avec les vacanciers et les locaux, et débusquer les meilleurs endroits pour manger végétarien ou admirer les plus beaux levers de soleil. Les moustiques tombent manifestement TOUS fous amoureux de ma peau ? Certes, mais il faut bien qu’ils se nourrissent les pauvres (je vous jure qu’il n’y a pas une once d’hypocrisie dans cette affirmation), et, après tout, ils font partie d’une faune qui m’émerveille un peu plus chaque jour : iguanes, oiseaux de toutes les couleurs, insectes improbables, crabes bleus, singes hurleurs…
C’est dans cet état d’esprit, plus souple et profondément détendu, que je rentre en France six semaines plus tard, avec dans mon sac-à-dos un fabuleux mélange des enseignements du yoga et de la sagesse populaire des costeños (Colombiens vivant sur la côte) : la vie c’est comme la salsa, pour en profiter il suffit de lâcher prise mi amor !
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