Kannjawou, le voilier-bibliothèque en voyage
0| Publié le 13 juin 2023
Nous sommes Marion et Manon, 30 ans, respectivement enseignante de lettres au collège et éditrice. En juillet 2022, nous avons largué les amarres et quitté notre port d’attache de Plouër-sur-Rance, près de Saint-Malo, pour partir naviguer autour de l’Atlantique à bord de notre voilier Kannjawou. Au gré de notre voyage sur la route des alizés, nous nous sommes arrêtées dans le delta du fleuve Saloum au Sénégal pour y acheminer et déployer une médiathèque numérique Ideas Cube, conçue par Bibliothèques sans frontières pour favoriser l’accès à l’éducation, à l’information et à la culture.
Le grand départ, de Bretagne jusqu’aux îles Canaries
Nos premiers milles en haute mer
Après plusieurs années de préparation et un report d’un an à cause de l’épidémie de Covid, nous quittons la Bretagne avec beaucoup d’émotions. C’est dans le golfe de Gascogne que nous parcourons nos premiers milles en haute mer : entre mal de mer le premier jour et visite de nos toutes premières baleines à quelques encablures de Kannjawou, nous goûtons pendant 72 heures aux inconforts et aux grandes joies de la vie en mer, où tout se vit plus intensément. Nous cabotons ensuite sur les magnifiques côtes découpées de la Galice et le long des grandes plages du Portugal. Nous découvrons par la mer les falaises ocre de l’Algarve, au sud du Portugal, et leurs mille criques sauvages qui sont autant d’abris pour les voyageurs en voilier. Puis, après un dernier pastel de nata, nous mettons les voiles pour 5 jours et quittons l’Europe continentale ; direction le premier archipel du voyage et ses promesses : les îles Canaries, leurs coulées de lave fraîche, leurs sommets perchés, leur printemps éternel.
Remorquage au large de la Galice
Épisode marquant de ce début du voyage, nous sommes amenées à demander de l’aide aux services de secours en mer, du fait d’une panne moteur en pleine nuit, tout proche des côtes galiciennes. Suite à notre appel radio (in english please !), nous voyons arriver sur nous à toute allure un beau bateau de secouristes espagnols, très professionnels, qui viennent à notre rescousse. En deux temps trois mouvements, ils nous envoient de très longues amarres et nous remorquent à toute vitesse (mais en douceur) jusqu’au port le plus proche… Une sacrée expérience, et une escale imprévue mais inoubliable dans la très belle ria de Camariñas.
Mission solidaire au Sénégal
Découverte du pays de la Teranga
En novembre 2022, nous laissons Kannjawou aux Canaries et rejoignons le Sénégal comme équipières à bord d’un voilier-ami. En débarquant à Dakar après une semaine de traversée, nous ouvrons grand les yeux sur ce pays dont nous avons tant rêvé en préparant notre mission. Les odeurs d’égouts et d’essence bon marché, les bruits de moteurs pétaradants, les couleurs des boubous élégants, la chaleur moite et les moustiques de la capitale sénégalaise nous assaillent sans concession. Nous découvrons les saveurs du thieboudienne, du nougat aux arachides et du bissap, et sirotons pendant des heures des « Gazelles » fraîches – la bière sénégalaise, conditionnée en bouteilles de 60 cl, rien que ça ! La Teranga, la fameuse hospitalité sénégalaise, n’est pas une légende : dès le premier soir à Dakar, alors que nous nous promenons dans les rues aux alentours de notre mouillage, nous nous retrouvons invitées à un mariage, photographiées avec les mariés, conviées à nous joindre au repas et aux discussions.
Concrétiser un projet de 5 ans
Autre ambiance sur les rives du fleuve Saloum et sur les myriades d’îles qui se cachent dans ses méandres. Nous installons la médiathèque numérique Ideas Cube au collège-lycée du village de Djirnda, 6 000 habitants. Les villes les plus proches sont situées à 2 heures de pirogue : pour le ravitaillement, les urgences médicales, les déplacements de personne et de matériel, c’est le seul moyen de transport. Ce peuple de pêcheurs vit des richesses du fleuve – poissons, crevettes,
coquillages–, de la mangrove et du peu de culture maraîchère possible sur cette terre salée. Nous passons deux semaines sur place, le temps d’installer le matériel, puis de rencontrer et former le personnel du collège-lycée à son utilisation et son animation. Accueillies comme des reines par les villageois, tout en danse, musique et discours, nous quittons Djirnda le cœur serré mais riches de nouvelles amitiés et de souvenirs impérissables.
La Transatlantique
Hasta Luego Canarias !
Nous quittons les îles Canaries début novembre 2022. Kannjawou aura passé plus d’un an sur les rivages canariens, et exploré toutes les îles de cet archipel si varié et si attachant, où nous nous sommes vite senties chez nous. Cette longue escale a été l’occasion pour nous de rentrer travailler plusieurs mois en France, mais aussi d’entreprendre de gros travaux nécessaires à bord, au prix de quelques billets et de pas mal de galères et de cheveux blancs ! Quand nous partons pour le Cap-Vert, notre voilier est donc au top de sa forme et prêt à avaler les milles nautiques.
Gros coup de cœur pour le Cap-Vert
Ah le Cap-Vert ! Escale fréquentée par de nombreux voiliers à la fin de l’année avant de partir pour la transatlantique, cet archipel tout sec (pas très « Vert », excepté à quelques endroits) nous a tout de suite séduites et restera un de nos plus gros coups de cœur du voyage. Nous nageons avec nos premières tortues dans des eaux turquoise, nous régalons de poissons ultra-frais et savoureux qui pullulent entre les îles, randonnons dans des montagnes vertes escarpées aux versants vertigineux, dansons sur les accords de la musique cap-verdienne omniprésente et nous joignons aux grandes soirées grillade dans les rues des villages en partageant des verres de grog (le rhum local) à 1€. Tout cela dans le chant incessant et entêtant des alizés, qui soufflent fort et sans arrêt à cette période de l’année.
18 jours en haute mer entre le Cap Vert et la Martinique
Et puis le grand saut, tant attendu et tant préparé depuis des années. Larguer les amarres pour 15 à 20 jours de mer, cap plein ouest, jusqu’à l’autre côté de la baignoire. Après trois premiers jours bien sportifs, les conditions nous seront favorables jusqu’à l’arrivée. Quelques grains, quelques jours de vent faible, de nombreuses algues sargasses qui dérivent en immenses bancs sur tout l’océan et viennent se prendre dans la ligne de pêche ou la pale de notre pilote automatique, viendront nous embêter. Mais la bonne humeur et l’émerveillement face à la nature seront présents du début à la fin de ces 18 jours et 3 500 km de navigation.
Les Antilles, et après ?
Douce vie sous les tropiques
Après une longue traversée, quoi de plus doux que de se faire accueillir par une terre tropicale verdoyante et fertile, une chaleur permanente, des eaux cristallines regorgeant de poissons, raies et tortues, des couchers de soleil somptueux, des accras et des « ti-punch » toujours généreusement dosés en rhum AOC ? Nous passons plusieurs mois à goûter aux bonheurs de la navigation aux Petites Antilles (mais aussi à ses aléas, eh oui !), recevant la visite de nos familles et amis.
La grande boucle
Même si l’indolence des tropiques invite à s’attarder aux Antilles, nous savons que nous devons rentrer en France sans trop nous attarder… Pour faire durer le plaisir, nous avons tout récemment décidé de rentrer en passant par les Bahamas, les États-Unis et le Québec avant de retraverser l’Atlantique à l’été 2024 au départ de Saint-Pierre et Miquelon. Entre temps, nous prévoyons de laisser Kannjawou passer l’hiver dans un chantier dans la région de Washington et de rentrer en France 6 mois pour travailler.
Nous nous trouvons actuellement dans les eaux incroyablement turquoise des Bahamas et nous préparons doucement à quitter les tropiques pour ces nouvelles aventures. Depuis notre départ, nous sommes vraiment reconnaissantes d’avoir l’assurance que Chapka nous soutiendra dans nos éventuels déboires de voyageuses, même aux États-Unis et leur système de santé si coûteux, que nous nous apprêtons à découvrir !
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