Gérer une association au Pérou, une mission sponsorisée par TWAM
0| Mis à jour le 6 juillet 2018
Par Stéphanie et Emmanuel du blog Backpacks & Bridges
Nous voici à Lima, au Pérou. Une nouvelle étape après 1 an et deux mois de voyage autour du monde. Ce moment, on l’attendait depuis longtemps: bien avant notre départ, on avait en tête de s’arrêter à Mano a Mano pour y être bénévoles pendant au moins un mois. Lors de notre premier passage à Lima, fraîchement débarqués des Etats-Unis, on s’était arrêtés au siège de l’association pour discuter avec Sylvie, la fondatrice et directrice des opérations sur le terrain. L’idée était de se présenter, et surtout de voir ensemble ce qu’on pouvait apporter, selon nos expériences et nos compétences. C’est un point important pour nous: il nous tient à cœur d’aider là où on peut être vraiment utiles, d’aider dans ce que l’on sait faire.
Le volontariat, ça se passe aussi dans les bureaux d’une association
Après avoir raconté nos aventures de voyage au long cours, nos coups de coeur et nos déceptions, on rentre dans le vif du sujet: comment aider Mano a Mano pendant un mois? Les besoins sont nombreux, les chantiers sont vastes. il faut :
- boucler tout l’administratif de l’année et préparer celui de l’année suivante
- réviser la comptabilité
- préparer des compte-rendus pour obtenir des subventions (en français, anglais et en espagnol, sinon ce n’est pas drôle)
- nettoyer, mettre à jour et optimiser les bases de données
- mettre au point un système de gestion des stocks
- aider au restaurant et à la pâtisserie (en service, en cuisine et à la plonge !)
- aider à la construction sur les chantiers de réhabilitation des quartiers
- s’occuper des ventes
- revoir la stratégie de communication de l’association…
Bref, y’a du boulot! Ça tombe bien: c’est pas l’envie qui nous manque! D’autant plus qu’on est séduits par le travail de l’association (on croit beaucoup à la responsabilisation des bénéficiaires et au développement économique), et que le courant passe bien avec Sylvie. On se donne donc rendez-vous au mois suivant, le temps pour nous de visiter le Pérou.
Evidemment, impossible de s’atteler à toutes ces tâches en un mois… même si la volonté est là, si on veut faire les choses correctement, il faut faire des choix. Sans compter que la vie dans une association n’est pas de tout repos! Mais on vous parlera de tout cela plus tard. En attendant, notre choix se porte tout naturellement vers une mission de gestion dans les bureaux. Il y a des urgences, capitales pour l’association, comme boucler les dossiers administratifs de l’année ou calculer les salaires du mois pour les verser. Comme on est opérationnels tout de suite, ça fait sens.
Lors de notre premier jour, on s’attaque aux tableaux excel. On plonge au cœur de la gestion de leurs actions: on comprend très vite les enjeux, le contexte, les activités, les succès…on sait exactement à quoi on participe. On met des chiffres en face de chaque problématique, on est alors capables de mesurer notre impact. Toute cette compréhension ne s’est pas faite en un jour évidemment, il faut du temps pour appréhender un travail mené depuis des années par une structure dans un pays dont on ne maîtrise pas la culture. Et les différences culturelles, quand on travaille dans des bureaux avec des papiers à renseigner et à trier, ça compte aussi.
Au début, on trouvait que c’était “le bazar”, avec notre schéma occidental. Puis, au bout d’un mois, on a pu constater que tout est très bien organisé, et que les résultats sont là. Au bout d’un mois, on peut vous raconter, très exactement, ce que fait Mano a Mano dans ces quartiers défavorisés de Lima, ces bidonvilles du district de Comas.
La vie d’une association, c’est de l’adaptation !
Mano a Mano est une association franco-péruvienne à but non lucratif qui s’est créée en 1994. Son travail commence avec la construction d’une pharmacie dans les quartiers désoeuvrés de la Ensenada, les bidonvilles les plus récents de Lima. Mano a Mano travaille alors à la sensibilisation sanitaire, et fait notamment des campagnes de santé pour lutter contre la tuberculose.
Puis, le projet fédère et grandit, les actions se diversifient grâce à la solidarité. Aujourd’hui, Mano a Mano oeuvre pour le développement économique de la zone, en employant notamment les femmes du quartier pour mener à bien ses projets. Les chantiers de l’association s’articulent autour de l’éducation (avec construction et animation d’une bibliothèque et d’une ludothèque, la mise en place de “vacances utiles”, la responsabilisation des jeunes du quartier pour s’occuper des plus petits), l’urbanisme (avec une amélioration significative des conditions de vie via l’installation de jardins, la sensibilisation au développement durable, la construction de terrains de sport etc), et la santé (prise en charge sociale des familles, consultations, suivi psychologique).
En parallèle, pour assurer une partie de ses revenus et payer ses salariées locales, Mano a Mano a un restaurant, une pâtisserie et fait du tourisme solidaire.
Voilà, on vous l’a dit: y’a du boulot! S’il faut s’adapter aux différences culturelles, il faut aussi s’adapter au fonctionnement de la structure, surtout quand elle a différentes activités.
Et encore… Ce qu’on vous a raconté plus haut sur nos tâches administratives dans les bureaux, ce n’est qu’une partie de notre expérience en tant que bénévoles chez Mano a Mano… même si c’était de manière intensive de 9h à 22h, on n’a pas fait que ça. Oui, on travaillait plus qu’à Paris! On arrêtait nos ordinateurs car il fallait respecter le couvre-feu de 22h: les quartiers sont dangereux, on suit donc scrupuleusement les directives données par l’association et on rentre à la maison.
Sauf que, parfois… on devait se lever la nuit pour venir faire des sandwichs au restaurant, et effilocher du poulet! Vous pouvez rire: c’est désormais l’histoire de notre tour du monde qui fascine le plus. Pourquoi se lever la nuit pour préparer des sandwichs, au cours d’un bénévolat? Tout simplement parce que le restaurant de l’association a eu de grosses commandes de petits déjeuners (des centaines!) à faire partir frais à 6h30 du matin, et que compte-tenu des effectifs du restaurant, qui reste un restaurant associatif de quartier, ne l’oublions pas, il fallait de la main d’oeuvre disponible la nuit. On ne pouvait pas se permettre de refuser ces commandes d’un gros client régulier de Mano a Mano. On s’est donc montrés flexibles et on s’est pliés à l’urgence, tant bien que mal parfois, mais le jeu en a valu la chandelle: ces commandes couvre le salaire mensuelle d’une employée de l’association. Que demander de plus? Si on n’avait pas eu le nez dans les documents de gestion, on peut le dire: on n’aurait pas eu conscience de notre impact, et on aurait été moins motivés, impliqués, responsabilisés, valorisés!.
Au quotidien, il faut savoir se rendre disponibles: il faut savoir lâcher son ordinateur pour aider en cuisine lorsqu’il y a un coup de feu, ou mettre en veille plusieurs heures durant un travail de comptabilité pour effilocher du poulet, sourire en service même si les clients sont désagréables parce qu’ils ne vous connaissent pas, remuer du compost et avoir des blattes qui se baladent le long de vos bras, déclouter des palettes pendant une journée entière sous un soleil de plomb pour récupérer les planches, souffler un grand coup et rester patients en toute circonstance, accepter de faire des choses qui ne nous passionnent pas…et tout ça, en espagnol s’il vous plaît. Pardon, “por favor”..
Parce qu’à côté de ces “contraintes” (qui nous apprennent une certaine humilité), on mène des projets qui nous passionnent. Emmanuel a même participé à mettre au point un logiciel de gestion des stocks pour le restaurant (mission parfaite pour le geek qu’il est) et un autre pour suivre les achats d’artisanat local qui seront vendus pour financer l’association (missions parfaites pour le geek qu’il est) : de la passion et de l’adaptation, voilà la clé!
Et les rencontres, dans tout ça ?
Mano a Mano étant maintenant une association développée et organisée, elle accueille beaucoup de bénévoles ou de volontaires, qu’ils soient simples voyageurs comme nous, étudiants en stage ou jeunes en SVI (service volontaire international). Autant vous dire que le personnel permanent en voit passer du monde qui va et vient chaque année, avec une grande diversité de profils vu les nombreux champs d’actions de l’association. Cette variété de personnes fait aussi partie de la richesse de cette expérience, puisque l’on a l’occasion d’échanger sur plein de sujets, et que l’on rencontre des gens de divers horizons que l’on n’aurait sans doute pas croisés autrement.
Dans le personnel permanent de l’association, il y a bien sûr Sylvie, la directrice, mais aussi Marion, architecte, qui organise les différents chantiers d’embellissement des quartiers, les ouvriers Pablo et Jorge et leur équipe de “señoras constructoras” qui mettent tout cela en œuvre, les cuisinières et pâtissières, Fidela, Enma, Gloria, la comptable Rocio… et que dire de Socorro, bras droit et pilier de l’association au caractère bien trempé, qui n’a d’égal que sa motivation inébranlable. Et en plus de ces permanents, il y a bien sûr toute une équipe de bénévoles (il y en avait une douzaine lorsque nous y étions). Ça en fait du monde à rencontrer et connaître!
En arrivant, on comprend donc assez vite que l’on doit aussi faire ses preuves avant de gagner la confiance des uns et des autres. En fait, c’est comme quand vous commencez un nouveau boulot, on apprend à connaître tout le monde, découvrir qui fait quoi, le caractère de chacun… Il faut alors savoir s’exprimer, identifier là où on peut contribuer, bref il faut être volontaire et y mettre du sien si l’on veut s’intégrer à l’équipe! En plus, l’équipe de bénévoles vit en petite communauté, puisque l’on loge tous soit dans le bâtiment qui héberge les bureaux et le restaurant, soit dans la maison des volontaires, donc c’est comme une grande coloc’ où chacun doit faire sa part pour que tout se passe pour le mieux. D’autant plus quand il y a des sessions d’effilochage de poulet et d’empaquetage de sandwichs, où les bénévoles doivent s’organiser pour se relayer pour les levers à 3h du matin. On a intérêt à bien s’entendre et à travailler en bonne intelligence!
Alors, on prend du temps pour discuter, se rendre disponible pour aider en fonction des besoins urgents… Au bout de quelques jours, on commence à connaître tout le monde et on se fait tranquillement sa place. On devient aussi le temps de quelques semaines un habitant du quartier avec nos petites habitudes, allant chez tel commerçant pour ses pâtisseries, tel autre pour les courses d’appoint. On se fait des amis qu’on retrouvera plus tard sur la route comme Florent et Marie avec qui l’on fera le canyon de Colca quelques semaines après leur départ de l’association.
Au contact des salariées permanentes, on en apprend beaucoup sur la culture péruvienne et les façons de faire du pays. On s’enrichit aussi des expériences auprès de ces femmes qui ont souvent dû surmonter de dures épreuves dans un pays qui reste très machiste et où les violences faites aux femmes et l’alcoolisme demeurent monnaie courante.
C’est aussi pour ces expériences humaines que l’on fait du bénévolat, pour ces rencontres qui vous changent, ces moments de vie partagés, ces endroits où l’on se crée de nouveaux repères dans de nouveaux environnements, ces histoires entendues et vécues. Et on compte bien garder contact!
Pour en savoir davantage sur Mano a Mano, allez sur le site internet de l’association.
Retrouvez les aventures de Stéphanie et Emmanuel sur leur blog Backpack & Bridges, et également sur Facebook et Instagram.
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