D’un tour à dos d’éléphant au voyage responsable
0| Mis à jour le 12 mai 2020
Il y a quelques jours, Sambo, une éléphante d’une quarantaine d’années est morte des suites d’esclavagisme dans les temples d’Angkor au Cambodge. L’industrie touristique en Asie du Sud-Est compte beaucoup sur ces créatures emblématiques pour promouvoir certaines destinations. Néanmoins, nous sommes rarement informés et sensibilisés sur l’extrême dureté de leur dressage, des sévices et des tortures qu’ils subissent dans le but de nous divertir. Je suis très sensible à la cause des éléphants, en Asie particulièrement, et je vais vous expliquer pourquoi je ne monterai jamais sur l’un d’entre eux.
Remontons le temps…
Mes rencontres avec les éléphants
La première fois que j’ai vu des éléphants, c’était dans les années 90 en Zambie en Afrique. Ils étaient en troupeau, se dirigeaient vers un point d’eau. Il y avait là des éléphants de tous les âges, des petits malicieux, des moyens fainéants et des grands protecteurs… Les voir dans leur habitat naturel était un moment extraordinairement magique dont je me souviendrai longtemps et qui est devenu depuis ma référence : un animal est magnifique quand il est vu en liberté !
Quelques années plus tard à Bornéo en Malaisie, j’ai eu des sentiments mélangés. Là-bas, on détruit la forêt primaire, l’habitat naturel des éléphants et autres espèces endémiques au profit des plantations de palmiers à huile. Un désastre pour la faune locale vouée à terme à disparaître si l’homme continue sur cette voie mais c’est un autre débat. Revenons à nos moutons ou plutôt nos éléphants. Dans le peu de forêt primaire qu’il reste dans l’état du Sabah, j’ai vécu un autre moment magique et pourtant je n’y ai vu aucun pachyderme. Je les ai cherchés mais ils n’ont jamais daigné montrer le bout de leur trompe. La veille de mon arrivée, ils étaient pourtant là au pied du lodge, à jouer dans l’eau, à se nourrir dans la forêt.
Le lendemain, alors que nous nous apprêtions à aller nous promener, mon guide a cru qu’ils étaient encore dans le coin, nous sommes donc partis à leur recherche. Toute la journée, nous avons suivi leurs traces : leurs crottes fraiches et odorantes, les tronc d’arbres abîmés, les branches cassées, tous ces signes qui montraient qu’ils étaient dans les environs. Nous étions persuadés qu’à un moment donné, nous les verrions. Quelques heures plus tard, quelques oiseaux et un bébé orang-outang plus loin, nous avons dû nous résigner : les éléphants avaient filé, continué leur route loin du lodge. Malgré la déception de ne pas les avoir vus ce jour-là, j’ai vécu une journée incroyable. Il y avait de l’adrénaline, le cœur qui battait à l’idée de tomber nez-à-nez avec l’un d’entre eux au détour d’un sentier, il y avait aussi de la joie de croire que l’on s’en approchait. Ce jour-là, j’ai surtout compris qu’un éléphant est une bête sauvage, que l’on n’est jamais assuré d’en voir et ce n’est pas grave parce que c’est lorsqu’ils sont en liberté qu’on éprouve le plus grand plaisir à faire leur rencontre. Ce n’est pas le but qui compte mais bien le chemin.
Pendant mon tour du monde, deux ans plus tard, je me suis arrêtée en Thaïlande. Là-bas, l’éléphant est au centre d’un gros business touristique : des mahouts (guides des éléphants) qui mendient en pleine ville avec leur bête dans l’espoir de recevoir quelques baths des touristes, à ceux qui les trimballent comme cette pauvre Sambo, je voyais tout ça mais n’étais pas vraiment consciente de l’envers du décor. A l’époque, je voulais en voir mais je cherchais un endroit qui me permettrait de les approcher, pas les monter. J’ai alors trouvé l’Elephant Nature Park près de Chiang Mai dont j’ai beaucoup aimé les valeurs. Je ne m’attendais pas à vivre une journée si intense et forte en émotions. Je les ai nourris, baignés, vu beaucoup d’amour dans les yeux des mahouts mais surtout j’ai été sensibilisée à leur condition. Et ce n’est pas joli. Pour qu’ils puissent divertir les nombreux touristes qui passent par l’Asie du Sud-Est en général, les éléphants sont maltraités, battus, torturés et vivent un enfer indescriptible. On les attache à des chaines si courtes qu’ils ne peuvent pas se déplacer et pour les dresser, on les enferme dans des cages dans lesquelles ils ne peuvent se mouvoir, on leur attache les pattes entre elles pour ne pas qu’ils aillent trop loin. Bref, j’ai vu des images insoutenables et j’avoue, moi qui aime tant les voir en liberté, j’ai pleuré.
Lek Chailert, la fondatrice de ce centre, fait beaucoup pour la condition des éléphants dans le nord du pays. Elle rachète ceux qu’elle sait maltraités, les soigne et leur offre une seconde vie meilleure en semi-liberté. Ce sont ses bébés.
Voyager responsable
Quelques années plus tard, alors que je retournais au pays du sourire, je voulais voir s’il était encore possible d’y observer des éléphants en liberté. Alors, je me suis rendue au parc national de Kao Yai. Là-bas, j’ai cru revivre ma journée à Bornéo. Accompagnée d’une guide extraordinairement tenace, nous avons cherché durant des heures, une journée entière à vrai dire. Nous avons suivi des traces, rien trouvé et alors que nous étions en train de nous résigner à rentrer, ils étaient là dans un tournant, devant la voiture. Un troupeau de 20 éléphants en train de manger sur le bord de la route. Magique encore une fois. J’avais des étoiles dans les yeux, comme à chaque fois que je vois des animaux en liberté. Malheureusement, l’espèce étant menacée, cela va devenir de moins en moins possible.
Nous touristes avons tout de même une certaine responsabilité. Voyager responsable, c’est ne pas tomber dans la masse et soutenir l’insoutenable. La condition de nombreux éléphants domestiqués en Asie du Sud-Est l’est malheureusement ! Si par le passé, vous avez fait ce tour à dos d’éléphant qui vous faisait rêver et vous en mordez aujourd’hui les doigts, ne vous en voulez pas, peut-être ne connaissiez-vous pas l’envers du décor. A votre tour maintenant de sensibiliser votre environnement à leur cause. La meilleure façon est d’en parler autour de vous, d’expliquer pourquoi il ne faut pas céder et surtout bien se renseigner sur les conditions des éléphants avant de s’engager dans un tour ou avec un parc. Je conçois que l’on veuille approcher de près ces bêtes si sublimes quand on se rend dans cette région du monde, je l’ai fait. Néanmoins, ce vénéré pachyderme est loin d’être typique ou authentique dans un format où on fait un tour sur son dos et où on lui fait faire des singeries dignes d’un mauvais cirque.
Orientez vos amis vers des centres comme l’Elephant Nature Park qui les recueille et leur offre une nouvelle vie en semi-liberté et permet à tout un chacun de les approcher de près sans qu’aucun mal ne leur soit fait.
Toutes les photos ont été prises à l’Elephant Nature Park, aucun d’entre eux n’est aujourd’hui maltraité.
Deux fois par mois, retrouvez « les chroniques d’Adeline » sur notre blog ! Voici la seconde chronique magnifiquement rédigée par Adeline Gressin, une passionnée de voyage et adepte du voyage en solo au féminin dont nous vous invitons à consulter les nombreux billets sur le blog www.voyagesetc.fr
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