Vision Nomade : Des reportages pour sensibiliser et améliorer la condition des femmes en Asie
0| Mis à jour le 14 décembre 2017
Léna Rivière et Baptiste Saint-Roch sont à l’origine du projet Vision Nomade. Accompagnés par la société de production audiovisuel et solidaire InFocus Abroad, ils partent bénévolement faire un tour d’Asie pour réaliser des reportages. L’objectif ? Parler de ces structures qui agissent pour améliorer la condition des femmes en Indonésie, aux Philippines, au Laos, en Birmanie, en Inde, au Kirghizistan et en Iran.
Pouvez-vous nous présenter votre association Vision Nomade ?
L’association Vision Nomade est née autour de deux passions : l’audiovisuel et le féminisme. Durant l’année 2017, nous voyageons à la rencontre d’associations et d’ONG travaillant sur la condition des femmes en Asie. Nous leur proposons de faire une vidéo de communication professionnelle et gratuite pour mettre en lumière leurs actions et leurs combats. Durant 2 à 3 semaines, nous vivons avec eux et traduisons par le média de la vidéo qui ils sont, ce qu’ils font, ce dont ils ont besoin.
Comment avez-vous défini votre itinéraire ?
Nous avons défini notre itinéraire selon deux critères : notre envie personnelle de découvrir un pays et son intérêt particulier en rapport avec notre thématique. Par exemple, l’Inde de part ses différentes problématiques et son dynamisme associative était le pays où nous devions travailler et rester le plus longtemps. La Mongolie fût un choix de cœur, l’envie d’appréhender un pays au mode de vie particulier (le nomadisme) et aussi s’interroger sur la place des femmes dans une culture rurale et post-communiste.
Comment avez-vous fait pour entrer en contact avec des associations en Asie et au Moyen Orient ?
Le plus souvent, nous entrons en contact avec les associations par le biais d’internet ou du téléphone. Quelque fois nous avons le contact d’une ONG et passons directement par celle-ci. Sinon, nous faisons beaucoup de recherches afin de trouver des organisations qui nous semblent intéressantes, pertinentes dans la manière dont elles répondent à un problème, et en adéquation avec nos valeurs. Nous échangeons dans un premier temps par mail en expliquant comment nous procédons, sur quoi nous pourrions travailler ensemble. Dans un second temps nous avons un rendez-vous par Skype, puis nous nous rencontrons une fois les dates convenues.
Comment voyagez-vous en règle générale ?
Nous voyageons en règle générale assez simplement, nous avons un budget limité qui implique que durant les périodes hors-association, nous faisions peu de dépenses. Ainsi, nous nous logeons dans des guesthouses de backpackers, afin d’avoir une bonne connexion internet et afin de travailler. On mange dans les stands de rue, prenons les transports en commun quand il y en a. Si c’est possible également, nous faisons du stop.
Vous insistez sur le fait que derrière la carte postale Bali, il y a une vie pas toujours simple pour les locaux, et notamment pour les femmes.
Notre expérience avec l’association PKP avait la particularité d’être notre première mission, notre anglais était rudimentaire et nos appréhensions de début de voyage encore présentes. Ce fût de très belles semaines avec Sari, la directrice de l’association ainsi qu’avec les femmes qui participent au projet.
Nous avons découvert « un autre Bali » car nous avons eu l’opportunité d’aller rendre visiter à des personnes chez elles, ainsi que les familles de personnes handicapées dont Sari était en charge (elle est aussi directrice d’une école spécialisée).
Ce qui est intéressant, c’est de voir combien Bali a de charme, avec son architecture toute particulière, ses fleurs, ses temples…La religion hindouiste est si importante que l’argent que gagne les Balinais va quasiment entièrement dans l’entretien des temples, les fêtes religieuses, les offrandes. De découvrir cette double-face, notamment par rapport à la condition des femmes balinaises, nous avons réalisé la profondeur que ce projet pouvait apporter à notre voyage.
Est-ce que la situation des femmes en Philippines ne dépend pas de la situation politique ?
La condition des femmes, au même titre que la condition humaine, peut être fortement influencée par les régimes politiques. Néanmoins, celle-ci est intimement liée à la religion bien souvent et d’autre part au rôle sociétal des femmes. En l’occurence, aux Philippines, pays le plus catholique d’Asie, l’avortement est illégal et puni (même en cas de viol sur mineure, zéro tolérance) et cela bien avant l’élection de Duterte. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres pour dire qu’un système autoritaire ne sera pas enclin au progrès pour les droits des femmes, pour autant la difficulté de leur condition est bien antérieure.
Un des fléaux philippins est l’émigration massive des femmes vers les pays riches, souvent du Moyen-Orient, afin de gagner de l’argent en tant que nounou ou femme de maison et payer les études des enfants restés au pays. Ce phénomène n’est pas si récent et il démontre un fait antérieur au régime actuel : la pauvreté et la corruption ambiante aux Philippines poussent des personnes éduquées, diplômées, à faire des métiers qui ne nécessitent pas de formation et qui comportent énormément de risques (confiscation des papiers, séquestration, violences en tout genre). Ainsi, elles sont mieux payées que si elles restaient dans leur pays.
Évidemment, avec ce nouveau régime, les chances sont minces de voir émerger plus de droits pour les femmes. Il reste néanmoins difficile de dire si la situation politique actuelle détermine totalement celle des femmes. On peut conclure que ça reste dans la continuité, peu favorable à la progression.
Racontez-nous le travail de l’association Soap4Life au Laos.
Notre mission avec Soap4life a mis en lumière la difficulté linguistique dans un projet comme le nôtre. Le Laos est un pays pauvre, rural, où l’éducation peine à faire décoller le progrès et l’économie. L’anglais y est rare, le lao est une langue très différente de celui-ci, nombre de traductions sont impossibles d’un point de vue littéral.
Les notions d’empowerment, de féminisme, n’existent pas vraiment dans cette langue. Soap4life nous a éclairé sur la difficulté d’être indépendante pour les laotiennes, due à un manque d’éducation mais aussi à une pauvreté ambiante. Un schéma classique perdure : la femme est prisonnière de son mariage tout en étant la maîtresse du foyer (gestion de l’argent, de l’éducation des enfants), dans l’ombre. Par la formation que l’association propose, elles peuvent avoir un diplôme et gérer leur propre entreprise.
Soap4life se charge aussi d’éduquer les enfants mais aussi les écoles à l’hygiène, le simple fait de se laver les mains peut sauver des vies et c’est d’autant plus vrai dans un pays où les conditions de vie sont aussi basses.
Dans lequel des pays visités avez-vous été plus surpris ou choqués par la condition des femmes ?
Sans hésitation, la condition des femmes en Inde nous a paru la plus difficile, la plus contrastée et le pays où nous sommes allés où il y a le plus à faire mais aussi celui où il y a le plus d’espoir d’amélioration. C’est ce qui en fait son charme fascinant, de part son immensité et ses 1,3 milliards d’habitants, la condition des femmes en Inde n’est pas uniforme.
On peut retrouver des « motifs » récurrents, déterminants : le mariage, les violences, traditions et tabous. Mais aussi et surtout : une multitude d’associations et d’activistes qui veulent changer les choses. L’Inde est en pleine mutation et aussi en rébellion face à un système qui bafoue les femmes.
C’est ce qui nous a le plus frappé par rapport aux autres pays, on y ressent une réelle volonté de changement, encouragée pas seulement par des organisations et individus isolés, il y a une prise de conscience collective qui va mettre son temps à réellement changer les choses, mais déjà beaucoup d’indiennes se rendent compte de l’injustice et la violence que subissent les femmes au quotidien.
C’est un pays qui choque par sa violence quotidienne (pauvreté, culture diamétralement différente) mais qui inspire l’espoir et donne envie de s’y attarder, regarder de plus près. L’Inde n’est pas que le pays tristement connu pour ses viols collectifs, ses mariages forcés, ses castes et sa misère. C’est un continent à lui seul qui malgré la mondialisation a conservé une identité très forte, malgré les conflits a toujours une part de penseurs et d’intellectuels, malgré les régimes successifs une classe de rebelles et d’activistes.
C’est aussi le pays qu’on estime le plus difficilement réductible à n’importe quelle définition. Il est indéfinissable mais sans aucun doute en devenir d’être grand de ses blessures et de ses inégalités. 40% de la population indienne a moins de 25 ans. Le choc entre conservatisme et nouvelle génération est en cours.
Quels sont les prochains pays que vous allez visiter ?
Nous allons rester encore un bout de temps en Inde, sans doute quatre mois, puis nous nous envolerons pour l’Iran avant notre retour en France. Nous avons bon espoir de travailler avec d’autres associations !!!
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