1. Accueil
  2. Mon tour du Monde
  3. Les expériences de Tour du Monde
Le blog voyage by Chapka

La Transatlantique de l’association JYBE

Un article rédigé par Lucas de l’association Jybe, le média qui part à la rencontre des initiatives innovantes d’individus ou d’entreprises pour vivre de façon plus durable.

Le lac Atlantique

De l’île de Gran Canaria 28° 7.879′ N 15° 25.485′ W au large du Cap Vert 15° 10.952′ N 32° 42.139′ W

Départ après avoir bien profité de Gran Canaria en explorant les hauteurs splendides de la ville en scooter, nous étions d’ailleurs assurés avec Chapka, ce qui nous a bien rassuré sur les routes sinueuses de montagne.

“Vous verrez, avec les alizés, ça ira vite de traverser l’océan”

Voilà quel était le topo. Nous sommes ensuite partis des Canaries avec cette idée en tête et les deux premiers jours ne nous ont pas déçus. C’est avec une bonne moyenne que nous sommes descendus en direction du Sud. Il faisait beau et les conditions étaient idéales.

C’est à la suite de ces deux premiers jours que les choses se sont gâtées pour nous. Nous n’avons pas de casse ou de tempête, loin de là. Nous nous confrontons plutôt à l’inverse, le calme plat. Une dépression au nord de l’Atlantique évente complètement notre zone. Nous rencontrons donc nos premières pétoles et le bateau n’avance plus beaucoup. Il nous arrive même de faire des journées à 2 nœuds de moyenne. Nous essayons désespérément de trouver du vent, en vain. En effet, avec nos 300L de carburant nous ne pouvons pas nous permettre de trop utiliser le moteur pour avancer. Il ne nous reste plus qu’à attendre. Très vite, nous relativisons et essayons de mettre à profit le temps en mer. Nous lisons, écrivons et jouons aux jeux de société embarqués à bord. Nous avons même l’occasion de nous baigner avec 4000 m de profondeur sous les pieds.

BAIGNADE AU MILIEU DE L’OCÉAN — TEMPÉRATURE DE L’EAU : 22°C

Ce qui est terrible avec cette navigation, c’est que bien que nous n’avançons pas, le temps passé est très agréable. Sans vent et sans vague la vie à bord se retrouve vraiment facilitée. Le bateau est stable et nous pouvons cuisiner agréablement, nous pouvons installer l’ombrelle pour nous abriter du soleil et le bateau est silencieux. Néanmoins, nous gardons notre objectif en tête et nous restons attentifs sur la navigation. Nous regardons la météo régulièrement, saisissant chaque opportunité pour avancer vers la Martinique. Nous continuons aussi à fonctionner par tour de barre et par quarts de navigation. Chacun de nous prends la barre à tour de rôle : en journée nous prenons la barre pour trois heures et quatre heures la nuit. La nuit se découpe donc ainsi :

Cycle 1Cycle 2Cycle 3
BARRE (00h à 04h)BARRE (04h – 08h)BARRE (20h – 00h)
REPOS (04h à 11h)REPOS (08h à 14h)REPOS (00h à 08h)
BARRE (11h à 14h)BARRE (14h à 17h)BARRE (08h à 11h)
REPOS (14h à 04h)REPOS (17h à 20h)REPOS (11h à 17h)
BARRE (17h à 20h)
TOTAL À LA BARRE :
7 heures
TOTAL À LA BARRE :
7 heures
TOTAL À LA BARRE :
11 heures

Ce rythme de vie n’est pas si dur à suivre et nous savons très bien que c’est aussi dû à une navigation particulièrement tranquille. Nous profitons tous de ces moments nocturnes pour écrire à nos familles, lire ou écouter de la musique ou des podcasts. Nous avons ainsi doucement navigué en direction du sud ouest. Petit à petit les températures augmentent et nous nous retrouvons vite très bronzés. Au bout de 10 jours de navigation un dilemme s’offre à nous. Soit nous continuons à suivre notre route dans peu de vent, soit nous rallongeons la route pour tenter de récupérer du vent. Nous prenons la deuxième l’option et descendons au large du Cap-Vert. Stratégie gagnante ! Après deux jours plein Sud nous retrouvons le vent des alizés. Nous nous retrouvons donc le 23 novembre, après deux semaines de navigation au large du Cap Vert

La vraie Transatlantique

Du large du Cap Vert 15° 10.952′ N 32° 42.139′ W à la Martinique 14° 27.575′ N 60° 52.099′ W

Nous voilà enfin dans les alizés. Nous découvrons ce vent mythique qui traverse l’Atlantique d’Est en Ouest et qui permet aux voiliers de traverser cette étendue d’eau. Nous nous retrouvons sur les traces de Christophe Colomb et nous découvrons les conditions météo dont tant de personnes nous avaient parlé.

Tout d’abord le vent : il est constant et souffle jour et nuit entre 15 et 20 nœuds. Nous avons tout de même quelques jours avec des rafales à plus de 25 noeuds et nous sommes obligés de réduire la voilure. Nous découvrons ensuite la houle d’Atlantique. Les vagues sont bien formées et nous arrivent dans le dos; il nous arrive même d’avoir des creux de 3m.

Tout du long de la traversée les températures n’auront cessées d’augmenter malgré les quelques grains nous ayant surpris vers la fin du voyage. Le bateau avance bien avec une météo comme celle-ci, nous retrouvons une moyenne plus proche de celle estimée : 110MN par jour. Néanmoins la navigation se fait aussi plus compliquée et plus éprouvante physiquement. Avec la houle, le bateau recommence à gîter : il bouge, vit et nous suivons son rythme. Il devient difficile de lire et d’écrire. Faire la cuisine reviens à faire un numéro d’équilibriste. Dans ces conditions là, chaque effort nous demande plus de concentration et nous nous retrouvons donc plus rapidement fatigués. Malgré cela, le moral reste au beau fixe et nous parions tous les jours sur la distance que l’on parcourra dans la journée.

Nous profitons aussi de la mi-transatlantique et de l’anniversaire de Lucas pour s’offrir « nos repas plaisir » : confit de canard de mon père et 3kg de cassoulet. L’apparition des sargasses et des paille-en-queue nous rappelle aussi que nous nous rapprochons de la Martinique. Nous terminons cette transatlantique avec un problème mécanique : une drosse de safran permettant de barrer le bateau s’est cassée. Nous réparons ça avec un bout (une corde) de fortune qui tiendra durant les 300 derniers milles nautiques qui nous séparent de la terre. À l’arrivée après 28 jours de navigation, nous arrivons à pêcher notre premier poisson de la transatlantique : un barracuda qu’Emilien cuisinera le soir même. Nous arrivons le 7 décembre au coucher du soleil dans la baie du marin 14° 25.924′ N 60° 53.629′ W.

Pour conclure, voici le ressenti de chacun de nous à l’issue de cette transatlantique :

Léo CARPENTIER

Personnellement, j’ai trouvé que le début de la transatlantique était très difficile à vivre. Il m’a fallu plusieurs jours pour m’habituer à ce nouveau mode de vie. Il faut bien s’imaginer que du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés seuls, entre nous, entouré d’eau. Après ce temps d’adaptation, j’ai vraiment apprécié la première partie du voyage. Le calme, le repos, la lecture, les discussions,…ça m’a vraiment plu. Les messages échangés avec la famille, ma copine et mes amis via le téléphone satellite m’ont aussi beaucoup aidés à m’adapter à la vie en mer. Sur la deuxième partie, la fatigue et les conditions de mer ont compliqué la vie à bord et c’était moins agréable. J’étais aussi très impatient d’arriver ! Néanmoins, je suis très content de ce trajet puisqu’il n’y a jamais eu de conflit. La vie à bord n’est pas facile mais nous avons toujours été là les uns pour les autres et c’est le plus important à mes yeux. Ce que j’ai préféré durant la transatlantique? Sentir l’odeur de la terre à l’arrivée après un mois d’embruns.

Lucas NICOLAS

N’étant pas marin pour un sous et n’ayant navigué qu’aux côtés d’Emilien et Léo sur une traversée de Toulon vers la Sardaigne sur un petit voilier de régate (un J80) la transatlantique fût un grand saut dans le vide pour ma part. Cette expérience incroyable m’a permis de comprendre ce que le « temps long » signifiait. Pour moi, les journées se ressemblent et s’additionnent. Il est difficile de prendre le rythme, il me faut bien une semaine pour adapter mon corps à cette nouvelle façon de vivre. Une fois le rythme pris, la fatigue ne se fait que très peu ressentir. Je prends du plaisir à la barre de Noddi, apprenant à mieux connaître ce vieux navire et toutes ces subtilités, ces qualités et ces défauts. L’apprentissage se fait au fil des jours et je prends beaucoup de plaisir à m’améliorer. Les mécanismes se crée, je me sens de plus en plus à l’aise sur le bateau. La réaction laisse plus de place à l’anticipation, c’est agréable. Parfois l’ennui peut venir prendre une certaine place lors des quarts nocturnes quand tout le monde part se reposer, je me retrouve ainsi seul, entouré de milliers d’étoiles qui éclairent les vagues encerclant le voilier. Les musiques et podcasts viennent occuper les pensées et font beaucoup de bien. Je retiens des moments de convivialité, une intelligence de groupe qui laisse place au respect des espaces de chacun, des moments plus difficiles et de nombreuses couleurs habillant le ciel qui viennent éclabousser la rétine de leurs splendeurs. Le Pacifique est une étape que j’attends avec beaucoup d’impatience, traverser cet océan sera un accomplissement dans ma petite vie ! Mais d’abord place au Costa Rica !

Emilien PIERRON

Sauter dans le vide retenu par un élastique qu’on a fabriqué soi même, voilà ce que représentait la transatlantique pour moi, capitaine de Noddi.

Les quelques semaines de navigation précédentes m’avaient permis de bien appréhender le bateau, de peaufiner certains réglages et d’apporter certaines améliorations. Le comportement du navire lors d’une tempête en Méditerranée a aussi renforcé ma confiance en ce voilier construit il y plus de 50 ans. Enfin, en l’absence de pilote automatique et de régulateur d’allure, l’équipage a progressé vite dans la tenue du navire et la réalisation des manœuvres. Néanmoins, parcourir 5000 km à la vitesse d’un coureur sans pouvoir compter sur quiconque a de quoi intimider. C’est donc avec l’esprit chargé de responsabilités que je mets le cap vers l’ouest.

Durant les premiers jours, beaucoup de questions m’habitent : quel cap suivre pour aller le plus vite possible sans sacrifier trop de confort ? Quelle configuration de voiles adopter ? À cela se rajoute l’état de Léo qui m’inquiète sincèrement. J’imagine même qu’il va me demander de descendre au Cap Vert. Finalement il se ressaisi d’un coup et mes inquiétudes s’apaisent. Les conditions sont plutôt calmes et malgré la distance à la côte qui grandi nous sommes tranquilles. Lorsqu’au bout de 15 jours les Alizés reprennent, le plus dur est de garder la rigueur du départ : faire le tour du pont tous les jours pour vérifier le matériel, regarder la météo, prendre des ris… Anticiper plutôt que subir.

C’est grâce à ce sérieux que nous avons pu détecter et résoudre certains problèmes avant qu’ils ne deviennent gênants : levier d’accélérateur du moteur cassé (réparé avec une poignée de porte), voie d’eau dans la cale à cause d’un collier cassé, panneaux solaire défectueux (un câble a fondu à cause de l’intensité trop élevée sous les tropiques), lumière du compas débranchée…

À notre arrivée en Martinique, nous sommes alors à 5 miles des côtes, la barre à roue casse pendant que nous zigzaguons entre les filets dérivants, sous voiles, dans force 7. Nous installons vite la barre de secours, puis très vite décidons d’affaler. Le moteur démarre parfaitement et tout fonctionne bien, l’équipage reste concentré jusqu’au bout. Je suis persuadé que si nous n’avions pas entretenu le matériel durant la traversée l’issue aurait été différente. C’est n’est qu’une fois au mouillage dans la baie du marin, immobile sous les étoiles et sur un lagon, que je réalise que nous venons de traverser un océan. L’élastique évoqué au début a tenu !

Comme le disait Éric Tabarly : ”naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. Dans bien des professions, on peut faire illusion et bluffer en toute impunité. En bateau, on sait ou on ne sait pas.”

1 commentaire

Pierron jean
Pierron jean

23 avril 2022

Magnifique aventure que celle de ces trois jeunes hommes.
Un conseil, découvrez leur voyage sur jybe.fr !

Répondre

laisser un commentaire