Guillaume n’avait d’yeux que pour un tour du monde
2| Mis à jour le 22 mai 2018
Guillaume, 30 ans, a plaqué son job de consultant en ingénierie culturelle pour faire le tour du monde. Au programme, douze pays en douze mois pour ce passionné d’histoire-géographie. Malvoyant, il nous aborde avec cette réflexion intéressante sur le voyage et handicap : et si quelque part nous étions tous un peu handicapé quand on part en voyage à l’étranger ? En tout cas pour lui, ses yeux sont de bien meilleurs alliés que son niveau d’anglais !
Comment avez-vous eu l’idée de faire le tour du monde ?
En France, ma situation m’empêchait de franchir une nouvelle étape dans ma carrière. Je ne m’engagerai pas sur le terrain du handicap dans le monde du travail, mais c’est bien de cela que je veux parler. D’un point de vue personnel, j’avais toujours fait passé au second plan mon envie de voyager. Avec le temps qui passe, je savais que ça allait devenir compliqué. Je voulais donc prendre une année pour assouvir ce besoin d’ailleurs, me prouver que j’étais capable d’aller à l’autre bout du monde et d’être aussi autonome que n’importe quel voyageur (Je ne peux pas conduire mais en voyage, rares sont les backpackers qui louent une voiture pour faire le tour du monde).
Je ne voulais pas faire le tour du monde pour poster une photo de mes pieds à la plage sur Instagram. Partager ce tour du monde avec des enfants était une évidence pour moi. J’ai donc contacté mon ancienne école primaire. Un collège s’est joint à la partie et le projet était lancé. Les enfants et moi inventerions la « géofabulerie », c’est-à-dire l’étude de la géographie de manière ludique et créative.
Racontez-nous ce partenariat avec les écoles
J’ai créé un partenariat avec une école primaire et un collège.
Avant mon départ, de septembre à décembre, je me suis rendu tous les vendredis à l’école pour parler voyage. Nous avons étudié la planète, les continents et lors de mon départ, tous les CE1 et les CE2 pouvaient dire sur quel continent se trouvent les pays que j’allais visiter. Par binômes, ils ont présenté des exposés sur les pays. C’est à partir de cette matière que j’essaie de rédiger mes articles afin de répondre au mieux à leurs très nombreuses questions. J’intervenais une à deux fois par mois au collège. Ensemble, nous avons parlé de l’organisation à proprement parlé du voyage. Mon sac « minimaliste » a suscité l’intérêt de beaucoup et nous a permis d’aborder des sujets divers et variés comme la société de consommation, le tourisme responsable et le fait que l’on peut survivre sans sa console.
Nous avons donné le nom de « L’erreur 404 » à cette classe de quatrième qui est administratrice de la page Facebook du projet avec moi. Nous avons appris ensemble à réaliser des podcasts et ils en postent un par mois pour présenter le pays que je visite. Ils doivent également faire un hors-série sur l’espagnol car j’ai pris italien en LV2 et le fait que des élèves deviennent professeurs est une approche qui me séduit. J’ai hâte de découvrir ce podcast !
Comment avez-vous défini votre itinéraire ?
La première phase est la plus stimulante. J’ai pris une feuille et un crayon et j’ai noté tout ce qui m’a toujours fait rêver sur la planète. Ma première liste comptait 37 pays ! Puis, il faut se forcer à devenir raisonnable. Je me suis dit qu’un an c’est à la fois long et court et que rien ne sert de courir. Alors j’ai défini une seconde liste de 16 pays.
Enfin, vient le moment de rentrer dans le vif du sujet, la partie « logistique ». Pour ma part, j’ai pris un billet tour du monde et je me suis imposé un rythme d’un pays par mois. En ce qui concerne l’itinéraire dans chaque pays, il est rythmé, à la fois par les demandes des élèves et par le hasard des rencontres. Ainsi, je suis allé à Savannakhet au Laos uniquement pour parler aux enfants des dinosaures qui peuplaient autrefois la région. C’est par ailleurs lors d’une discussion dans un bus entre Hoi An et Hué que j’ai décidé de changer de cap pour aller découvrir la méconnue région d’Ha Giang au Nord du Vietnam plutôt que Sapa.
Vous avez parcouru une bonne partie de l’Asie du Sud-Est. Est-ce que vous avez un coup de cœur ?
Le Laos et l’Indonésie sont deux coups de cœur absolus. Pour les gens, les paysages, et les expériences que j’y ai vécu. J’ai passé mon diplôme de plongée en Indonésie, un rêve de gosse qui m’ouvre les portes d’un nouveau monde et qui m’a permis de découvrir des choses incroyables. J’ai nagé avec des requins et des raies Manta !
Le Cambodge restera gravé en moi. Les régimes totalitaires sont au programme des collégiens et j’ai donc rédigé un dossier sur le régime des Khmers rouges de Pol Pot. Le pays est aujourd’hui encore marqué par ce funeste épisode de son histoire. Pourtant les gens sont souriants, vous abordent facilement et les enfants respirent la joie de vivre.
Au Vietnam, je retiendrai la province d’Ha Giang, une région au Nord du pays, à la frontière chinoise. Une merveilleuse alternative à qui veut échapper à la très touristique Sapa.
Côté gastronomie, c’est quoi les trois plats incroyables que vous avez dégusté jusqu’à présent ?
On ne peut pas dire que l’on connait la cuisine asiatique avant d’être allé en Asie. La cuisine de rue est une découverte permanente (et risquée parfois). Je retiendrai le premier Pad Thai que j’ai mangé à mon arrivée à Bangkok. C’était dans une petite échoppe au cœur de Chinatown. J’étais perdu, j’avais faim et j’étais passé devant cette étale deux fois avant qu’un des clients ne m’interpelle. Il ne parlait pas un mot d’anglais mais me fit comprendre de m’asseoir et commanda pour moi un Pad Thai au patron qui ne parlait pas un mot d’anglais non plus. Un pur délice !
Pour l’école primaire, j’ai visité une usine qui produit du riz au Laos. J’ai pu faire découvrir aux enfants la chaîne de production du riz ,de la récolte jusqu’à l’envoi. J’ai raconté ma visite à un guide que j’avais pour un trek. En rentrant il m’a invité chez lui pour m’apprendre à préparer le Sticky Rice (sorte de riz collant) et m’a offert une Rice box (boite en bambou dans laquelle on fait cuire le riz à la vapeur). Ce n’est pas vraiment un plat mais cela m’a marqué.
Enfin, ces satanés élèves de quatrième me lancent un défi par mois. Au Vietnam, ils m’ont demandé de goûter un œuf de canard un peu spécial. En effet, les vietnamiens adorent prendre ces œufs avec le fœtus dedans au petit déjeuner. Ils sont préparés comme des œufs durs et se mangent à la petite cuillère. Au début, ça a le goût du gésier. Puis, on croque une patte ou on avale du duvet et là, l’opération devient plus délicate… Je n’ai pas pu finir mon œuf ce qui a provoqué l’hilarité, des locaux ! La nourriture est un vecteur de sociabilité ! Qu’importe le pays !
Concernant votre handicap, est-ce que vous ressentez plus de difficultés qu’en France ?
Mes habitudes sont les mêmes qu’en France. Un panneau de signalisation, qu’il soit en français ou en thaï ne bouleverse pas mon approche car dans tous les cas, je ne le vois que trop tard. Aujourd’hui, les GPS piétons font le job et je reste un fervent pratiquant du contact humain. Je vais donc régulièrement demander ma route aux locaux. Cela me permet de nouer un premier contact plus facilement.
Je pense que je m’attendais à pire. Mon anglais, même s’il devient plus fluide avec le temps, reste hésitant et je me disais que sans pouvoir voir un panneau, ni pouvoir demander ma route, ça risquait d’être compliqué de m’en sortir ! C’était sans compter sur le fait que, sorti des grandes villes, de toute manière, l’anglais n’est plus une option. Heureusement, les gens sont vraiment géniaux et c’est drôle car, plus on se retrouve dans des endroits reculés, moins on se fait comprendre et pourtant, plus la chaîne de solidarité se crée facilement ! A savoir, les transports en commun sont le meilleur moyen de rencontrer les gens.
Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui n’osent pas voyager à cause d’un handicap ?
Je ne pense pas avoir de conseil particulier à donner à une personne en situation de handicap plus qu’à une autre. Pour l’anecdote, durant la préparation de mon voyage, à mes yeux, mon seul handicap était mon niveau d’anglais. Je peux donc simplement rassurer quiconque veut voyager et se sent bloqué par la langue : vous arriverez toujours à vous faire comprendre !
Que peut-on vous souhaiter pour la suite du voyage ?
De continuer à découvrir chaque jour de nouvelles choses et de rencontrer des personnes aussi enrichissantes que celles que j’ai pu rencontrer jusqu’alors !
Retrouvez les aventures de Guillaume sur son blog Guillaume est ailleurs. Il est toujours à la recherche de partenaires pour financer des dossiers pour les écoles. Il souhaite se rendre sur les îles Galapagos pour en apprendre plus sur la faune et la théorie de l’évolution, développée par Darwin lors de ses voyages là-bas. Guillaume doit également rédiger des articles sur la Grande Barrière de Corail, l’île de Pâques, le Machu Picchu, etc.
2 commentaires
Stéphanie
29 mai 2018
ah l épopée de la frontière Laos - Cambodge ! Une après-midi aux chute de Khone Phapheng, la plus grande cascade d'Asie du Sud est ! Grace a ton blog nous continuons de voyager a travers tes récits et de manière différente ! Continue ! des bises !
Mathieu
29 mai 2018
On a eu le plaisir de rencontrer Guillaume au Laos pendant notre voyage en Asie.
Quelqu’un d’exceptionnel, de très intéressant, humble avec une grande humanité et une gentillesse incroyable.
Son projet est absolument génial.
Bravo Guillaume continues de ‘ pis faire rêver !!!